Tapas Rojas

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Une ambassade d’Espagne et même, andalouse selon le prospectus, olé.

Vins, bières et charcuteries espagnoles seraient à l’honneur à côté de tapas. J’entre et là, ça caille. Pas de chauffage. La patronne est assise sur un tabouret haut qui grince devant le comptoir, elle se lève au ralenti. Je fais le malin, mais elle avait l’air si peu concerné par ma présence que j’ai d’abord supposé qu’elle n’était qu’une simple cliente. Mais j’ai bien vu qu’elle me regardait d’un œil un peu bizarre. Comme y avait personne d’autre dans la taule, je me suis résolu à concevoir le pire: c’est non seulement la serveuse mais en plus, elle est la femme du patron qui cuisine. Un accueil probablement andalou, olé. Où je m’assieds madame? Des gestes, pas de mots. Une fois assis dans mon coin devant mon kleenex de serviette et mes couverts mal lavés, la dame me pose l’ardoise des boissons et puis elle part en silence. Elle revient avec son carnet de commande au garde-à-vous et son stylo droit comme un i et me dit « alors? ». Je réponds que je voudrais manger avant de boire. Elle vire alors l’ardoise des boissons et la remplace sur la chaise par l’ardoise des tapas. Une trentaine. Carnet de note et stylo, pareil. Et puis comptez pas sur des explications de texte de la part de la patronne. Ça vous flingue en 10 secondes la moindre ambition d’exotisme andalou, Paco de Lucia et Don Quichotte doivent se retourner dans leur tombe, olé. Comme je ressemble à Sancho Panza, je me retourne sur moi-même et je choisis des « acras de morue » (4€), boulettes standardisées peu intéressantes, lourdes et crouteuses, peu de poisson dans la mixture, 9/20. Un « flamenkin » (3), un roulé pané de jambon et fromage pas maison non plus, ça commence mal: 8/20.

Mieux, le « pain jambon Serrano ». Trois tartinettes un peu chétives avec brunoise de tomate et le jambon tranché finement. 3,5€ et 13/20. Après trois tapas, j’ai encore faim. Je sors donc la grosse artillerie avec les fameuses « patatas bravas ». Patates fraiches (ouééé) coupées en 4 passées à la friteuse avec un aïoli pimenté. Ça fait beaucoup de gras, mais à la guerre comme à la guerre. 3€ et 13/20: le plus copieux. Bilan des assiettes: de ce que j’ai consommé, tout n’est pas maison contrairement à l’affirmation de la boutique. De plus, le verre de vin rouge indiqué 2,5€ sur l’ardoise m’est facturé 3€. Attendez, j’ai pas fini. J’apprends que le midi existe une formule à 9,5€. Sans doute exclusivement pour les amis. Attendez, j’ai pas fini. Vous prenez la CB? Non. Vous prenez les chèques? Non. La dame me conseille sans le moindre état d’âme d’aller au distributeur de billet, plus bas. Incroyable. Sous ma demande insistante, elle va voir son mari de cuisinier qui m’accorde un règlement par chèque. Attendez, j’ai pas fini. Je peux avoir le tampon sur le papier qui fait office de note? Ah bah non: ya pas de tampon! Autant vous dire que je n’ai même pas demandé à extraire la TVA qu’exige mon comptable sinon j’y serais encore. Voilà. Non loin de la gare Saint-Charles, les affaires andalouses vont bon train. Olé!