Le Temps Des Secrets

Quand on fait un guide de restaurants digne de ce nom, faire des kilomètres est le quotidien.

Et pour aller à Régusse, faut en faire des kilomètres, sauf si vous habitez à Moissac ou Aups. Bref! J’ai posé mon baluchon dans cette maison de village, vieille pierre et intérieur doux, voutes et recoins, on est bien tintin. Et terrasse les beaux jours. Menu-carte 28€ avec choix: mi-cuit de foie gras, escargots au beurre persillé, cuisse de lièvre en civet, souris d’agneau de 5h, et avec supplément justifié (ça n’est pas toujours le cas) bavette de veau fermier de l’Aveyron et filet de bœuf à la périgourdine aux truffes. Boudiou: alléchant!

Quoi d’autre? Des « cuisses de grenouilles en persillade ». Joliment présentées dans une tarraillette, ce qui offre l’avantage de tenir chaud pour siroter tranquille Emile. Ce sont les meilleures grenouilles de cette année, cuisinées à la poêle, bien assaisonnées et croustillante sur les côtés. Vraiment bien: 15/20. Alors que je me lèche méticuleusement les doigts, j’entends siffler en cuisine: le chef est heureux! Et un chef heureux, ça fait des plats heureux qui régalent des clients heureux. Ne cherchez pas à me contredire, vous auriez tort. Il finissait de dresser mon « suprême de faisan, crème au whisky ». Mes petits agneaux, l’assiette est belle, sans frime mal placée ni ostentation dans la démonstration. Elle est grande, le morceau de viande souple et un peu rosé est recouvert d’une sauce gourmande réglée par un fin saucier. La purée de pommes de terre, une rustique purée de pommes de terre écrasée fourchette: un délice! D’autant que déjà cuisinée à l’huile de truffe, un gros pétale de truffe décore. On touche le 15,5/20.

La formule étant possible, je n’ai pas pris de dessert, ça m’apprendra à saucer comme un affamé. Juste un café vendu 2,7€, ce qui est trop cher. Bref! Délicieux moment de table, même si la jolie salle était pauvre en clients ce midi de semaine. Rare, ici parait-il… Et puis le cuisinier est sorti du trou. Le siffleur. Le fameux saucier. Un gaillard à la voix de baryton comme sorti d’une mêlée du Top 14. Le presque quinqua s’appelle Christophe Bartolo et si dans les années 90/2000 vous fréquentiez la maison Sénéquier à Saint-Tropez vous l’avez sûrement remarqué. Près de 20 ans dans la boutique. Fond de culotte à l’école de cuisine de Nice, ce qui explique sa vision d’une cuisine traditionnelle bourgeoise qui sait être délicate… et que fuiront les obsédés de la Terraillon. Reprise depuis mi-2014 par Fabienne et Christophe Bartolo, « Le temps des secrets » est fini: secret trahi!