Patiemment à coups d’années et de recettes bien rodées, laissant faire le temps et la nature dans un fatalisme teinté d’optimisme, Stéphane Grassi a fait de sa « Marmite » un petit coin à part, pas comme les autres. On frise l’insolite et la clandestinité. En même temps, on se questionne sur l’injustice du traitement médiatique de la planque, voisine de la flambante Saint-Rémy de Provence. Devanture discrète, terrasse isolée de la route ombragée par des mûriers-platanes qui filtrent le soleil, belle salle claire qui n’en fait pas trop, sobre et élégante. Avec Mauricette et son épouvantail à moineaux de chapeau vert, on s’est fait chouchouter par le menu-carte à 26€ tout mouillé, TTC, satisfait ou remboursé. Les noms de plats ne feront pas entrer le chef à l’Académie des Lettres, mais ses assiettes méritent l’Académie de Cuisine! « Mise en bouche », une verrine carotte-pastis avec toast aïoli (extra) et un feuilleté maison. L’entrée de Mauricette: « carpaccio de canard, pistou et Parmesan ». Entre le canard et la dame au chapeau vert, c’est une vieille histoire. Très vieille même… Accommodement à la sauce méditerranéenne: 15/20. Puis « épaule d’agneau aux senteurs de Provence ». Avec l’agneau aussi, c’est une très vieille histoire. Succulente viande confite, sauce qui chante le canton, on entend comme des cigales.
Du raffiné, sans le baratin des assiettes démagogiques qui baragouinent le terroir. 15,5/20! C’est la saison des asperges! « Asperges, vinaigrette à l’œuf ». Chef peu bavard mais les assiettes parlent d’elles-mêmes! Cinq allongées, vertes et croquantes, un délice. Œuf dur écrasé, vinaigrette. Du rustique qui met en avant le produit, 15/20. Si ma « cuisse de lapin aux olives » est très bien cuisinée, la chair manque toutefois un peu de caractère. 14,5/20. Et puis sur la pointe des pieds, alors qu’on attendait les desserts comme une banale formalité, ce fut le contraire. Un « moelleux au chocolat » idéal, plein de ressort. Chocolat tiède très noir, coulant et peu sucré. Comme dans un rêve, poêlée de fruits secs et sorbet mandarine en seconds rôles. 15,5/20. Intégralement maison, la « forêt noire, coulis de fruits rouges ». Un parallélépipède multicouche. Coulis de fruits appuyé fraises, cerises confites. Un autre 15,5/20. Mignardises délicieuses, qui appellent le café. Et si avec sa cuisine fine et exigeante inspirée de rétro-modernisme provençal « la marmite provençale » était le meilleur rapport qualité prix du coin? D’autant que le service de Véronique Coant est pile dans le rythme de ce qu’on attend ici, service mieux que depuis toujours dans son conformisme souriant. Addition ridicule au regard du souvenir.