Dans ce quartier résidentiel dépassionné, l’élégant restaurant se refuse à tout modernisme de façade, et à l’intérieur, pareil. Classique. Ça rassure, un restaurant qui évite les tendances et se méfie des modes. Les Lequien, ils seront à la mode quand ça sera la mode du démodé. Vous me suivez? Depuis le temps qu’on y trempe notre plaisir et nos moustaches, je confirme qu’un tel établissement ne se trouve pas sous le pas d’un cheval, mais avenue de Toulon dans le 6ème. Mauricette tient Jean-Philippe Lequien pour un chef aux mains d’or. Sa cuisine est travaillée, consistante et gourmande, une cuisine bourgeoise digne et très raffinée. Mais ne comptez pas sur lui pour violoner de la prose de nom de recettes au kilomètre, pas le genre. Déjà qu’il refuse avec une assiduité jamais prise à défaut les clubs de cuisiniers et les honneurs des médailles en chocolat, le prix Nobel de littérature, fut-il culinaire, ça sera dans une autre vie! Raviolis de supions, filet de bar sauce gingembre et citron, sauté de crevettes à la réglisse, feuilletage aux champignons et gnocchis, pressé de foie gras de canard au chutney de fruits, dés de rognons flambés au Calvados, joue de bœuf cuite au torchon et escalope de foie gras poêlée… Des suggestions le midi dès 10€, un 1er menu à 16€.
Bref! Entrée qui signe le parcours du chef passé par de l’étoilé alsacien: « chou farci sauce aux cèpes ». N’en fait pas des tonnes à l’œil mais mes petits lapins roses, voici un fin plaisir entre chou ferme, farce savoureuse et crème parfumée. 16/20. La recette met d’équerre les approximations habituelles locales: « petite bourride revue par le chef ». Du maintien, fraicheur et délicatesse: 16/20. Une assiette pleine de bonté, presque introvertie avec les « ravioli de homard sauce homardine ». Quel délice! Avec le vin d’Alsace du Domaine Bott Frères pinot gris 2010, ya pas meilleur duo! 16/20! Itou pour « la caille désossée et farcie, jus au vin moelleux » escortée d’un risotto haut niveau et d’une belle duxelles, jus corsé. Une légende de la maison à 16/20. Il n’est point blâmable de succomber au sucré! La royale « couronne Jean Baudoin aux framboises »: sablé, chiboust caramélisée, sorbet framboise maison, nougatine… 16/20. 1ère classe encore avec le « parfait au Cointreau et assiettée d’agrumes », tuile, suprêmes d’orange, biscuit au beurre et la glace… 16/20. En bonne maitresse de cérémonie, Hélène Lequien dispense d’excellents conseils sur le choix des vins, à prix doux, eux aussi. Très rares, de tels tarifs pour un tel niveau de cuisine. Un ténor de la cuisine cantonné aux seconds rôles. Profitez-en sinon je me fâche.