Bertin Brasserie

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A l’accueil, le zélé et sympathique maitre d’hôtel en fait quand même un poil trop: il me demande comment je vais alors qu’on ne s’est jamais vus.

Mon physique plutôt commun doit brouiller un peu les statistiques de son fichier de minois gravés, il aura assuré le coup, par peur que je me vexe s’il ne me reconnait pas. Vous me suivez? Aussi, il est adepte d’un vieux truc de serveur: se pencher à l’oreille du client attablé en demandant si « ça va? », un clin d’œil de contrebande et toucher de bras pour sceller notre amitié sincère naissante. Second clin d’œil lors de ma demande de verre de vin: « j’ai un rouge Côte du Rhône de chez Perrin, vous allez m’en dire des nouvelles ». M’enfin bon, c’est son boulot. Bref! Vieille maison haute de plafond qui avait séduit en son temps quelques artistes et politiques en goguette au siècle passé et même, celui d’avant. Reprise en juin 2015 par Benjamin Collombat titulaire pendant 3 ans d’une miraculeuse étoile au Michelin avec son adresse voisine « Côté Rue » devenue depuis resto à tapas. Enfin bon. Ici, nappages en gros coton blanc, verres astiqués, Guy Degrenne dans les mimines: bel investissement! Et tout ça m’sieur-dame pour 17€ la formule du midi, certes sans choix mais fort proprette. Avec ce jour « saumon grawlax » comme j’aime, un peu gras et tranché épais. 14,5/20.

Et puis le plat du jour, un « onglet de bœuf sauce poivre ». La viande n’est pas la Rolls du bovin, pas de la Salers ou de l’Aubrac (d’ailleurs présente à la carte). Mais un vrai onglet, pas du grossier truqué comme de la hampe déchiquetée. Dans sa longueur, rondelet. Très chargé en sauce, mais l’idée se prête au contexte de brasserie. Servis à part, quelques gnocchis communs mais bossés avec du vert, cébettes qui pètent, jeunes pousses d’épinard Bernard: très bien! Et ça change de la frite d’office, fut-elle fraiche comme vue ici! 14,5/20. Carte pas donnée, boudin à 18€, andouillette à 19€ et suspicieuse « viande d’origine européenne ». Gros effort tarifaire toutefois avec le café vendu seulement 1,5€. Très malin de la part de la direction. Madame Collombat est dans le bateau mais très effacée, saluant peu le chaland. Les petites serveuses sont courageuses. Un menu à 29€ ou 33€ (avec fromage) annonce la couleur sur l’ambition de Benjamin Collombat: le bib gourmand! Après tout, il a bien eu une étoile dans son restaurant « Côté Rue », alors pourquoi pas un bib dans sa brasserie? S’il le choppe ce fameux bib, y a un paquet de cuisiniers varois qui le méritent! Enfin bon! Bravo au cuisinier exécutant à qui revient le mérite, vu que son patron cachetonne au Château de Berne où il court désormais à nouveau après une étoile. Peut-être croit-il qu’à l’instar de Ducasse, suffit d’être partout à la fois pour augmenter ses chances de médaille.