Auberge Du Pont De Collonges
Paul Bocuse

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Un jour ou l’autre, fallait bien découvrir ce temple de la gastronomie où quelques plats ont leur place au musée.

Une table sur laquelle se chamaillent inutilement critiques modernes et chroniqueurs classiques: la cuisine de Paul Bocuse est un territoire. Point Barre, Fernand et Raymond. Accueil agréable, personne n’a fait remarquer à Mauricette que son chapeau vert est moche. Côté tarifs, on tape dans le haut du panier, ou plutôt dans le haut du sac à main Chanel. Mais on s’en doutait. Menus 165€, 225€ et 260€. Entrées dès 25€, poisson dès 62€, viande dès 63€ et pour rire un peu, fromage blanc faisselle 15€ (urgh) et desserts… 35€! Débarrassés de ces contingences économiques un peu mesquines dans un tel lieu, vous passerez un sacré bon moment. Le mieux étant toutefois de se faire inviter. « La soupe aux truffes noires VGE (plat créé pour l’Elysée en 1975) était obligée. Brûlante, faudrait être prévenu. Lamelles de truffes peu aromatiques, difficile de ressortir une saveur dominante: un peu léger en plaisir. Je m’attendais à trop, et comme un film trop espéré ou un ancien flirt revu: je suis déçu. 15/20 pour 85€. Mauricette ne s’est jamais autant régalée qu’avec l' »escalope de foie gras de canard poêlée, sauce passion ». Précis en tout, produit de grande qualité. Elle sort un 18/20 de sa poche à oursins.

Plat pour deux, c’est prévu au contrat pour 75€ par personne: « loup en croûte feuilletée, sauce Choron ». Du grand art, professeur! Poisson cuit à la perfection, sauce qui donne le tournis (sorte de béarnaise à la tomate) et une diabolique croûte feuilletée, idéale. Avec la dame au chapeau vert, on s’est regardé les yeux humides, comme deux tourtereaux qui convolent. Ensemble: 18/20 (et 150€). Fromages dans la lignée, le meilleur. Très haut niveau de pâtisserie, avec le « gâteau Président Maurice Bernachon », fameux pâtissier lyonnais. Tout en moelleux, chocolat praliné et cerises confites, magnifique: 18/20 et 35€. Quant à Mauricette, c’est le « baba au rhum tradition » qui la surprend, tout aussi étonnant de simplicité que de précision, 17/20 et 35€. L’excellence est aussi dans le service, classe et attentionné. Vins? Un Fronton à 100€ et un Pouilly-Fuissé à 85€. Eau Chateldon à 9€ et café à 6€. Boing. Avec son humour qui ne faire rire qu’elle, Mauricette a dit « à de tels prix, on pourrait manger chez Bocuse ». Bref! Haut-niveau de cuisine, tellement hors des modes avec des recettes identiques depuis bien longtemps… Dans ces conditions, on peut trouver amusant que le Michelin 2016 dégomme une étoile à la maison Loiseau à Saulieu sous prétexte que la cuisine y soit « trop classique ». Bocuse devrait alors en perdre deux.